Anne-Charlotte Yver est née en 1987 à Saint Mandé.
Elle est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris en 2011, avec les félicitations du jury ; elle est lauréate l’année suivante de plusieurs prix de sculpture et sa première exposition personnelle a lieu à la galerie In Situ – Fabienne Leclerc. En 2013, elle obtient une bourse de résidence de la Fondation d’Entreprise Hermès et expérimente le travail du cuir au sein de l’atelier de bottiers John Lobb à Paris. Avec les pièces réalisées, elle participe à Nouvelles Vagues au Palais de Tokyo, ainsi qu’à deux expositions successives à Tokyo et Séoul. Son travail est exposé en 2014 au 59ème Salon de Montrouge.
Suite à plusieurs temps de résidence à Genève à l’Embassy Of Foreign Artists entre, elle présente un nouveau pan de ses recherches en 2015 à la nuit blanche, au CAC La Traverse, dans la programmation parallèle de la Biennale de Lyon ainsi que dans une double exposition personnelle à la galerie Marine Veilleux qui la représente jusqu’en 2017.
Ses œuvres sont montrées au Pavillon Vendôme en 2016, et en Italie au Castello di Lajone en 2017. En 2018, son exposition personnelle 3296 clôt une année de résidence et de collaborations dans les locaux de l’association L’ahah dont elle devient artiste-membre. En 2019, la galerie Scai The Bathhouse l’invite à réaliser la structure porteuse d’une installation collective dans son espace à Tokyo et y présente plusieurs de ses œuvres.
La Tannerie a présenté certaines des premières pièces d’Anne-Charlotte Yver dans « Surfaces et mesures » en été 2014. Nous retrouvons son travail récent avec plaisir, pour l’exposition « SIECLE ».
« Le chantier sculptural que mène Anne-Charlotte Yver est infini ; fait de réajustements successifs, il repose sur un pressentiment mélancolique – la vanité de toute édification. Ce à quoi s’ajustent ses œuvres, quand elles trouvent dans leur précarité la possibilité d’une réforme. L’artiste s’attelle, de manière expérimentale, à des matériaux tels que le béton, le latex, l’acide, la graisse ou encore les câbles électriques. Sollicitant autant l’apprentissage manuel que l’intuition poétique, elle se réapproprie l’utilisation et la symbolique de ces ressources ; elle leur construit peu à peu, par manipulations plastiques et par amalgames, une structure personnelle. Celle-ci trahit des influences antagonistes et dessine la métaphore d’un corps : avec ses humeurs, sa fragilité, son assujettissement au temps et à la ruine. La combinaison des éléments donne lieu à des processus destructeurs (d’insolation, d’écartèlement ou d’érosion). L’organique y côtoie le solide, le géologique se mêle au liquide.
Le déploiement architectural de ces composants, à l’aide d’ossatures d’acier ou de tubes en plexiglas, joue d’un principe de modularité. Chaque sculpture peut être ré-agencée d’une exposition à l’autre, révisant son rapport à l’espace dans lequel elle s’insère, ou prenant en charge des contraintes logistiques. L’ingénierie développée par Anne-Charlotte Yver dépasse de loin les seuls aspects techniques ; elle exalte le potentiel de ses moyens, matériels et corporels. Elle vise, à force de remaniements, à éprouver les limites physiques et imaginaires de la matière, exploitant son instabilité. Un joyeux anéantissement qui livre sa part d’émulation. Une telle entreprise, à force de toucher, jusqu’à l’excéder, à son terme, s’arrange du travail de sape de la mélancolie. »
Antoine Camenen, 2019